Galerie des Modernes

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Marcel Gromaire

Cubisme, Réalisme, Tapisserie

(Noyelles-sur-Sambre, 1892 - Paris, 1971)

Né d’un père français et d’une mère flamande, Marcel Gromaire commence sa scolarité à Douai, avant de gagner Paris, où son père enseigne au lycée Buffon. Gromaire passe son baccalauréat en droit mais abandonne vite la carrière juridique et commence en 1910 à fréquenter quelques ateliers de Montparnasse (Colarossi, Ranson et La Palette). Comme Rouault ou Dufy, Marcel Gromaire travaille à l’écart des groupes et des courants. Ami d'Henri Matisse et de Fernand Léger dans sa jeunesse, il n’est cependant « l’élève de personne ». Il expose en 1911 au Salon des Indépendants où il est rapidement remarqué. Gromaire se passionne alors pour le roman, le gothique et les primitifs.

Il effectue son service militaire à Lille et, mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, il combat sur les fronts d’Alsace et de la Somme. Il passera six ans à l'armée. Blessé au testicule gauche en 1916 dans la Somme, il est ramené à Paris pour être soigné. Il publie des dessins sur la guerre dans Le Crapouillot (1916-1918).

Une fois à Paris, Gromaire s’intéresse à la gravure sur bois. Conseillé par Émile Laboureur, il grave ainsi, entre 1918 et 1925, une trentaine de bois de formats variés. La primeur sera donnée cependant à l'eau-forte, à laquelle il accorda bientôt sa préférence. Cette technique lui permettait, mieux que le bois, de parfaire son travail, de le reprendre après morsure ou d'un état à l'autre, de parvenir à cette finition que l'on retrouve dans ses dessins à l'encre de chine. Mises à part quelques planches tirées par son ami Pierre Dubreuil sur sa presse personnelle, la plupart des eaux-fortes de Gromaire ont été imprimées par Paul Haasen et son fils Raymond. Sur quelque deux cent vingt planches gravées sur métal, cent cinquante ont été réalisées entre les deux guerres.

Dès 1919, Gromaire prend position pour une peinture classique qui soit l’expression de son époque dans L’Art moderne et notes sur l’art d’aujourd’hui qu’il publie en 1919. Il plaide pour une peinture figurative et réaliste et revendique l’importance du sujet. Sa première exposition personnelle est organisée en 1921. Dans un tableau comme Le Faucheur (1924, musée d'Art moderne), le moule sévère du dessin cerne des masses sculpturales, puissantes, réduites parfois à des formes géométrisantes. L'emploi de la perspective traditionnelle ainsi qu'une certaine minutie dans l'exécution sont les fondements picturaux de ce travail. Les toiles de 1920-1930 demeurent à l'écart de la révolution cubiste ou abstraite : le peintre poursuit sa recherche d'une figuration qui se veut détachée des modèles du passé. Sombre et austère, sa gamme chromatique reste limitée à quelques couleurs terreuses, même si elle s'éclaircit parfois en de larges touches rouges ou bleues. Gromaire, qui s'est tenu en marge de toutes les écoles, restera toujours fidèle à un certain naturalisme, et son répertoire thématique en est un témoignage frappant (nus, paysans, pêcheurs, joueurs de cartes, soldats, paysages). Rien n'est plus significatif à cet égard que la toile intitulée La Guerre (1925, musée d'Art moderne de la Ville de Paris), où l'artiste rend le corps humain grâce à des formes simplifiées, mais ancrées aux signes du réel.

Il rencontre le Docteur Maurice Girardin qui, pendant dix années, lui achètera par contrat l’ensemble de sa production. Il s’installe en 1925 Villa Seurat dans le XVe arrondissement de Paris et poursuit la rédaction de ses notes personnelles qu’il tiendra jusqu’à la fin de sa vie. Il est professeur à l'ouverture de l'atelier B de l'Académie scandinave.

En 1933 se tient la rétrospective à la Kunsthalle Basel qui est une consécration. En 1934, il publie un manifeste dans la revue Esprit, « L’Art, invention du concret ». L’artiste réalise en 1937 des peintures murales pour pavillon de la manufacture de porcelaine de Sèvres lors de l’Exposition universelle de Paris.

Après 1937, le peintre s'intéresse à la tapisserie et revendique pour celle-ci une expression qui lui soit propre. Il va alors créer des œuvres monumentales avec des moyens plastiques extrêmement simples et efficaces : un des principaux objectifs de la réforme que Gromaire entreprend aux Gobelins est de lutter contre l'emploi de teintes en grand nombre et de s'en tenir à un registre limité (Les Quatre Éléments, 1938-1939 ; Les Quatre Saisons, 1941).  Pendant la guerre, de 1939 à 1944, il réside à Aubusson dans la Creuse et participe au mouvement du renouveau de la tapisserie aux côtés de Jean Lurçat. Gromaire participe à la libération de Paris en 1944 et devient, quatre ans plus tard, vice-président de l’Union nationale des intellectuels, organisation issue de la Résistance.

En 1947, il fait sa première exposition chez Louis Carré. En 1950, il est nommé professeur à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, où il restera douze ans. Cette même année 1950, il se rend aux États-Unis en tant que membre du jury du prix Carnegie qui sera, cette année-là, décerné à Jacques Villon. Ce même prix lui sera attribué en 1952. A partir du voyage qu'il fait en Amérique (1950), ses tableaux dénotent une évolution. Les couleurs sont plus vives, l'architecture des corps plus souple, plus nuancée, malgré la permanence d'un dessin ferme et rigoureux (New York vers l'océan, 1950, coll. part. ; Nu à la grande chevelure blonde, 1957, coll. part.). Gromaire est aussi un excellent dessinateur et un illustrateur remarquable (Petits Poèmes en prose de Baudelaire, 1962 ; Macbeth de Shakespeare, 1958). Parmi les peintres de la seconde génération du XXe siècle, l'artiste apparaît comme un des plus puissants et des plus fidèles à la tradition de l'art pictural européen.

Gromaire meurt en 1971 après une longue hospitalisation. En 1980, une rétrospective lui est consacré au musée d’art moderne de la Ville de Paris grâce à la collection du docteur Girardin, qui lègue une centaine d’œuvres de Gromaire au musée. Gromaire a peint un peu plus de sept cents toiles, avec une moyenne de dix par an. Soixante dix huit, provenant de la collection du docteur Girardin, ainsi qu’un ensemble important de dessins et aquarelles, sont aujourd'hui conservées au Musée d'art moderne de la ville de Paris. Les aquarelles de Gromaire, relativement peu nombreuses (produites, comme les huiles, au rythme d'environ une dizaine par an), sont aussi construites, lyriques et « murales » (selon l'expression qu'affectionnait l'artiste) que les huiles sur toiles. Sur le support toujours visible d'un dessin à l'encre de Chine, Gromaire pose la couleur avec une technique très personnelle, jouant des transparences, des rythmes, des superpositions, de façon à faire vibrer intensément sa palette. Le rayonnement intellectuel de Gromaire en fait le porte-parole de l’art indépendant durant les années 20 à 50. 

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