Galerie des Modernes

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Serge Charchoune

Cubisme, Surréalisme, Dada, composition musicale

(Bougourouslan, 1888 - Villeneuve-Saint-Georges, 1975)

Serge Ivanovitch Charchoune (en russe : Сергей Иванович Шаршун) est un peintre et un poète d'origine russe. Renonçant à une carrière de négociant en commerce, Serge Charchoune étudie la peinture à Moscou et commence à peindre dès 1905. Il réalise alors des paysages lyriques, réalisés d’après l’observation de la nature. A Moscou, Charchoune découvre le Cubisme lors d’une exposition en 1910, où il est frappé par les œuvres de Picasso, Braque, Derain et Léger. L’exposition, qui fut un énorme succès à Moscou, permet à Charchoune de s’initier au Cubisme et le libère d’une représentation littéraire.

En 1910, lors de la guerre, il est appelé mais déserte deux ans plus tard et se réfugie à Berlin, où il assiste au premier Salon d’Automne et découvre l’expressionnisme allemand, dont il juge la sensibilité trop exacerbée. Son arrivée à Paris en 1912 marque un véritable tournant dans sa carrière artistique. Très vite, il s’inscrit à l’Académie cubiste La Palette et suit les cours de Metzinger, mais surtout de Le Fauconnier, avec qui il découvre un système rigoureux d’analyse des volumes. Grace à Le Fauconnier, Charchoune expose pour la première fois au Salon des Indépendants en 1913. L’année suivant, en 1914, il expose à nouveau au Salon des Indépendants et présente trois toiles étranges, intitulées Nature Morte Influencées ou Compositions Influencées.

Après la déclaration de guerre d'août 1914, il se réfugie à Barcelone où il rencontre le boxeur-poète Arthur Cravan et les peintres Albert Gleizes, Marie Laurencin et Francis Picabia, ainsi que Josef Dalmau, antiquaire passionné par l'art d'avant-garde. Grâce à ce dernier, Charchoune expose des peintures abstraites qu'il qualifie lui-même d'« ornementales » (1916 et 1917).

Lors de la Première Guerre Mondiale, Charchoune part se réfugier à Barcelone, tout comme Albert Gleizes, Marie Laurencin, les Delaunay, ainsi que Francis Picabia qui y lancera sa revue dadaïste 391. Commence alors la période barcelonaise dadaïste de Charchoune, de 1916 à 1917, où l’artiste se meut dans une ville devenue le centre de l’avant-garde européen. Sa première exposition personnelle fut la première exposition de peinture abstraite organisée en Espagne. Elle eut lieu en 1916 à la galerie barcelonaise du marchand d’art Josep Delman, qui lui propose une seconde exposition en 1917. Durant cette période barcelonaise, Charchoune découvre la céramique mauresque, un mélange de motifs arabes et décors médiévaux espagnols, ce qui évoque à Charchoune l’art décoratif russe et slave. Il intègre ces éléments dans ses compositions géométriques colorées et conçoit ainsi un art dit « ornemental ».

En 1917, pendant le Révolution Russe, Charchoune tente de rentrer en Russie mais contracte la grippe Espagnol. Il retourne à Paris en 1920 et participe à sa première exposition parisienne dans la librairie d’André Forr. Il intègre ensuite le mouvement Dada, attiré par l’exaltation de l’absurde qu’il connaissant déjà via la littérature contemporaine russe: Charchoune envoie ainsi à Picabia une illustration pour sa revue 391. Picabia l’invite alors à assister à une réunion du mouvement Dada. Charchoune commence alors à participer activement aux réunions et manifestations du groupe (il participera notamment à la scandaleuse inauguration de l’exposition de Max Ernst organisée par Tristan Tzara). Charchoune devient un membre assidu du groupe parisien dadaïste, bien qu’il assiste plus qu’il ne participe aux manifestations. Il a notamment contribué à la création d’une œuvre collective, L’Œil Cacodylate, dans laquelle Picabia peint le troisième œil de la connaissance et Charchoune signe « Soleil Russe » autour de l’œil.

À son tour, il crée un groupe Dada appelé Palata Poetov (« La Chambre des Poètes ») qui se réunit au café Caméléon, 146, boulevard du Montparnasse. Le 21 décembre 1921, une soirée « dadaïste russe » est un échec malgré la présence de Breton et Louis Aragon. Charchoune ne persiste pas et, en mai 1922, il se rend à Berlin, toujours dans l'espoir d'obtenir un visa pour l'URSS. Il y créé une revue Dada en langue russe  (« Le Transbordeur Dada ») dont il rédige seul le premier numéro (juin 19222). Après avoir édité une anthologie de poésie dadaïste allemande, française et russe Dadaizm, kompilacija et collaboré à diverses revues comme Merz de Kurt Schwitters, Charchoune délaisse le mouvement.

Toute sa vie, Charchoune fut hanté par le désir de rentrer en Russie, attiré par l’influence que celle-ci a pu avoir sur l’avant-garde russe. En 1922, il part à Berlin afin d’obtenir son visa pour rentrer en Russie mais il décide de s’installer dans la ville allemande. Il développe alors son « Cubisme Ornemental » qui mêle les influences de Braque et Picasso à ce qu’il a pu voir durant ses dernières années de création. Il réintroduit l’objet dans la peinture et abandonne les couleurs vives de sa période dadaïste barcelonaise. A Berlin, il expose parmi les avant-gardes russes.

En 1923, Charchoune rentre et s’installe définitivement à Paris. Alors que le Dada s’essouffle, le cubisme vit ses dernières heures. Charchoune organise alors une célébration pour inhumer le cubisme dès 1921 et invite ses amis à « assister à l’enterrement du cubisme », et signe « Serge Charchoune, Croque-mort ». Cependant, durant les années 1925 – 1928, Charchoune participe aux dernières créations cubistes sous sa forme la plus « Puriste », débute alors la période Purisme de Charchoune. L’artiste est à la recherche d’une nouvelle inspiration créative. Lors de son exposition personnelle de 1926 à la galerie Jeanne Bucher, Charchoune vend presque toutes ses toiles et débute ainsi une toute autre création. Il crée des compositions puristes sur grands formats, l’objet y est plus ornemental, presque emblématique.

Dés 1929, Charchoune s’éloigne du Purisme et débute ses Paysage Elastiques, fortement influencés par le Dada. Dans ces compositions, Charchoune revient à ses spirales et arabesques. Il se sert du Dada pour offrir une vision unique et inédite de la nature. Ses séries Feuilles de Temperature et Impressionnisme Ornemental sont réalisées sur des restes de toiles achetées à bas prix. Là encore, Charchoune intègre un élément nouveau à la création, à savoir la rapidité d’exécution qui sera le point central de la future peinture gestuelle.

En 1929, toute l’Europe est touchée par l’énorme Crack Boursier. S’en suit alors une dizaine d’année d’isolement et de solitude pour Charchoune qui a perdu son galeriste. Il cesse de peindre, reprend une activité d’écrivain et fréquente le cercle littéraire russe.

En 1943, le grand collectionneur Roger Dutilleul donne une nouvelle impulsion à la création artistique de Charchoune en lui présentant le galeriste Raymond Greuze, qui deviendra son mentor et son principal mécène.

De 1948 à 1950, Charchoune se consacre aux natures mortes cubistes sur grands formats. Il emploie alors la couleur, les motifs d’arabesques et de spirales pour créer des compositions musicales, notamment autour du violon. Dès 1952, Charchoune crée des compositions plus paisibles, plus figuratives. Il continue à exploiter le thème de la musique, mais réalise également des marines. Les grands formats sont d’une blancheur lactée, comme si l’artiste avait appliqué les couleurs et les avait estompé en appliquant une pate blanche par dessus, comme dans l’œuvre Cristallisation de 1947.

L’année 1956 marque un nouveau tournant dans la création de Charchoune et l’artiste fait une avancée dans son processus d’abstraction par la musique en intégrant dans ses toiles des sonorités diffusées par un transistor. Charchoune utilise la musique pour réaliser une peinture ornementale, presque spirituelle.

Sa peinture devient définitivement monochrome. La couleur vive des années 1940 est associée à une structure encore pleinement Dada, ainsi que les arabesques et spirales mauresques des années barcelonaises, qu’il s’approprie et transforme en les mêlant d’influences russe et slave.

Entre 1957 et 1964, de nombreuses expositions personnelles sont organisées à Milan, New York et Paris. En 1965, une grande rétrospective Dada est organisée à Zurich et des œuvres de Charchoune y sont exposées. En 1971, le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris dédie une grande rétrospective à l’artiste. En 1974, plusieurs expositions personnelles sont organisées, à la Galerie de Seine à Paris et à la Galerie Lorenzelli à Milan. 

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