Galerie des Modernes

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Bernard Quentin

Art Cybernetic, design, lettrisme

(Doingt-Flamicourt, 1923 - 2020, Chevilly-Larue)

Bernard Quentin est un peintre, plasticien et sculpteur français appartenant à l'École de Paris, né le 22 juin 1923 à Flamicourt (Somme). Son œuvre, en grande partie travail sur l’écriture et la graphie, est dite art sémiotique ou art scriptural.

Bernard Quentin arrive à Paris vers 1940 afin d'étudier la peinture, la sculpture et l'architecture à l'École nationale supérieure des arts décoratifs et à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts. Actif dans la Résistance au sein du réseau Manipule entre 1942 et 1944, Bernard Quentin fréquente en 1945 la Maison de la pensée française où il se lie avec Pablo Picasso avant de reprendre à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts les cours interrompus par la guerre. Simultanément, il s'ancre en 1946 au quartier Saint-Germain-des-Prés. Il y connaît les milieux existentialistes et surréalistes, fréquente les peintres Wols et Camille Bryen ainsi que le théoricien du lettrisme Isidore Isou et fait partie de « la bande à Boris Vian » avec Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty, Anne-Marie Cazalis et Juliette Gréco. Bernard Quentin, vivait alors avec Juliette Gréco dans une chambre sous les toits du 7 rue Servandoni.

Sa première exposition en 1945 à la Maison de l'université à Paris, fait itinérance en Suisse en 1946. C'est à Berne que Bernard Quentin découvre avec fascination les œuvres de Paul Klee qui, conservées dans la maison du fils de ce dernier, font valoir une approche très profonde des écritures orientales et africaines. Il est séduit par ce primitivisme poétique, ce qui l’amène à se rapprocher durablement sa démarche de la lettre et du signe par la création d'idéogrammes. Il énonce son intérêt pour le cunéiforme, l'écriture hiéroglyphique égyptienne, le rune scandinave (à l'étude duquel il va passer tout l'hiver 1948 en Laponie), les inscriptions rupestres de la Vallée des Merveilles. C'est dans ce champ d'investigation que, dans les années 1947-1950, il expose chez Aimé Maeght avec le groupe Les Mains Eblouies qui réunit notamment Joan Miró, Alberto Giacometti, Jean Signovert, Alexander Calder et Antoni Tàpies, et où il se lie surtout d'amitié avec Pierre Dmitrienko, François Arnal et Serge Rezvani.

En 1954, Bernard Quentin voyage en Amérique du Sud (Brésil et Pérou), en Afrique de l'ouest (réalisant des fresques murales à Niamey et Bamako), puis, peu après, dans plusieurs capitales d'Europe de l'est (Varsovie, Moscou, Prague).

Dans les années 1960, Bernard Quentin élargit ses investigations de la peinture à la sculpture en exécutant des statues totémiques et surtout ses premières sculptures gonflables (les Cybules, la Vénus de Chicago) qui, appelées à des interventions monumentales dans les paysages, seront vues comme annonciatrices du Land Art. Il est dans le même temps le premier designer à concevoir des sièges gonflables qui sont présentés en 1963 par la Galerie Iris Clert à Paris lors d'une exposition s'autoproclamant vision du futur (Le salon de l'an 2104), à la World Fair de New York en 1964 ensuite, puis produits en série, pour être vendus aux États-Unis et au Japon, par le groupe Adamoli à Milan en 1966.

Poursuivant simultanément son travail sur le signe, Bernard Quentin s'installe à Milan en 1962 pour une durée de deux ans, dans le cadre d'un accord avec le Centre de recherche Olivetti, y déplaçant alors son champ de travail de la peinture vers l'informatique. Salvador Dalí le qualifie alors de « pionnier de l'art cybernétique et de l'écriture électronique ».

En 1977, Bernard Quentin crée, avec entre autres Jesus Rafael Soto, Jean Messagier, Jean-Pierre Raynaud, Pierre Restany et Serge Rezvani, le collectif L'Art+ qui se donne pour finalité de prolonger l'art dans des intégrations monumentales à l'environnement.

Sur la création de son alphabet en même temps que sur le choix de l'appeler Babel, Bernard Quentin s'explique: « Il fallait trouver un langage universel et, pour ça, inventer des symboles compréhensibles par tous. Mais le sens des symboles peut différer d'un continent à l'autre. C'est pourquoi j'ai imposé des symboles qui peuvent être repris par tout le monde. C'est le côté universel. Je me suis basé sur les calligraphies coufiques et zen, où chaque artiste ajoute quelque chose, en plus du sens ». Chez Bernard Quentin, la couleur des signes les situe grammaticalement: bleu pour les noms, vert pour les adjectifs, rouge pour les verbes, orange pour les articles et les pronoms. Système d'écriture donc « pour unir les hommes », fort de  3000 signes qui peuvent tout dire, tout raconter. Graffitis, sténo-graffitis, hiéroglyphes, pictogrammes, fibres optiques, lettres électroniques, forment "l'art sémiotique" de Bernard Quentin qui n'a jamais cessé d'explorer le champ des possibles inscrits dans chaque mot, chaque signe, chaque graphie.

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