Galerie des Modernes

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Charles Despiau

Sculpture, Arts décoratifs, Classicisme, Bande à Schnegg

(Mont-de-Marsan, 1874 - Paris, 1946)

Élève au lycée Victor-Duruy, Charles Despiau est remarqué par son professeur de dessin, Louis Henri Ismael Morin qui l’aide à obtenir une bourse d’étude du département des Landes. Grâce à cette bourse, il s’installe à Paris en 1891, et entre à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs puis à l’École des Beaux-Arts dans l’atelier du sculpteur Louis-Ernest Barrias.

Au début des années 1900, Despiau s’intéresse plus particulièrement au portrait et il expose chaque année au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts, où ses portraits sont remarqués pour leur puissance plastique. En 1907, Auguste Rodin lui demande de travailler avec lui. Despiau accepte et se tourne alors vers la sculpture.

En 1910, Despiau expose Buste en marbre de Paulette au Salon de 1910. Modelé d’après le visage de la jeune montoise Paule Pallus surnommée « Paulette », il dégage une grande sérénité juvénile qui en fait un des plus beaux portraits de la collection et est ensuite acheté par l’État (Musée de Mont-de-Marsan). Il réalise divers bustes dans ce même esprit : la Petite fille des Landes (1904), Cra-Cra (1917), puis le Portrait d’Alice Derain (1922), ou encore Andrée Wernert (1923), fille du critique d’art Georges Wernert. L’originalité de la composition vient de l’absence de tout mouvement anecdotique, propre au goût de l'époque, ce à quoi l’artiste se refusera toute sa vie. Au contraire, ses sculptures, souvent hiératiques, ont un côté archaïque, inspiré du folklore autant que des arts primitifs. Préoccupé exclusivement par la figure humaine, Despiau exprime la vie intérieure de ses modèles plus que leurs rapports avec le monde. Ses œuvres témoignent de la réaction de cette génération de sculpteurs contre l’académisme des sphères officielles.

Malgré quelques commandes importantes, telles Circé (1912), le Monument à Aristobulo del Valle pour Buenos Aires en Argentine (1914) Despiau rencontre des difficultés financières.

En 1914, année de sa mobilisation pour la Première Guerre mondiale, il sera contraint d'abandonner la taille dans le marbre du Génie du repos éternel, destiné au monument commémoratif au peintre Puvis de Chavannes que lui avait confié Rodin. Le plâtre, qui mesure deux mètres, avait nécessité la location d'un second atelier, Villa Corot, où Despiau était déjà installé avec sa femme, Marie. Engagé au service du camouflage pendant la guerre, Despiau a rencontré beaucoup de peintres et de sculpteurs qui imaginaient les décors propres à tromper l'ennemi. De retour à Paris, après la guerre, il refusera de terminer la taille dans le marbre du Génie, Rodin étant mort en 1917 et ne pouvant plus superviser son œuvre. Le marbre inachevé est exposé dans la galerie des jardins du musée Rodin à Paris.

De retour de la guerre, Despiau fréquente la « Bande à Schnegg », un groupe de sculpteurs fondé par les frères Lucien et Gaston Schnegg et dont font partie Antoine Bourdelle, Robert Wlérick, Léon-Ernest Drivier, François Pompon, Louis Dejean, Alfred Jean Halou, Charles Malfray, Auguste de Niederhausern, Elisée Cavaillon, Henry Arnold, Jane Poupelet ou encore Yvonne Serruys.

Despiau fut chargé, à l'occasion, de commandes monumentales (Monument aux morts à Mont-de-Marsan, 1920), mais son œuvre réside presque entièrement dans l'art du portrait. Là, il atteint un degré inégalé d'intimité avec le modèle. Nul message n'est délivré, nul drame n'apparaît, nul sentiment n'est identifiable. L'œuvre suggère seulement les pulsions de la vie à travers un modele d'une subtilité étonnante dont la fraîcheur captive encore.

En 1923, Despiau est membre cofondateur du Salon des Tuileries et enseignant à l'Académie de la Grande Chaumière. En 1927, le succès commercial point et il devient professeur à l'Académie scandinave à Montparnasse. Ce sera la grande exposition particulière organisée à New York à la Galerie Brummer, en 1927, à l'initiative de la galerie parisienne Barbazanges, qui lui apportera enfin gloire et fortune, et fera de lui un sculpteur reconnu aux États-Unis, puis, par ricochet, en Europe.

Il se voit notamment commander Le Réalisateur en 1929 par la veuve de l’industriel luxembourgeois Émile Mayrisch, fondateur en 1911 du puissant groupe de sidérurgie Arbed. On peut voir cette statue en bronze dans le parc du château de Colpach (Grand-Duché du Luxembourg). Elle domine le tombeau qu’avait dessiné l’architecte Auguste Perret. Elle ne portraiture pas Émile Mayrisch lui-même mais reflète plutôt la force créative de l'homme qu'était Mayrisch.

À partir de 1932, la rencontre avec Assia Granatouroff, modèle de Dora Maar, de Germaine Krull ou encore de Chaïm Soutine, permet à Despiau de sublimer le corps de la femme. Assia obéit aux canons de la « très belle » jeune fille, répondant à la conception que l'on se fait alors de l'idéal féminin. Précédant Assia, Ève et L’Adolescente avaient révélé, au cours des années 1920, la même pureté, la même grâce qui conférait au nu féminin vu par Despiau une beauté délicate et chaste.

En 1937, Despiau reçoit la commande d’une statue colossale de six mètres de hauteur, Apollon, destinée au parvis du Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris pour l'Exposition universelle de 1937. Cette figure occupe tant Despiau qu'il ne la livrera jamais à la Ville. Il travaillera ce sujet jusqu’à la fin de sa vie mais l’Apollon sera fondu dans le bronze à titre posthume.

Chef de file des sculpteurs indépendants, modeleur sensible et grand bustier, Despiau connaît le succès à l’étranger, notamment aux États-Unis, où son exposition personnelle à New York en novembre 1927 est suivie d’autres expositions importantes et de divers hommages de 1930 à 1948. Le Japon lui réserve également un accueil enthousiaste et, au début du XXIe siècle, il y fait encore l’objet d’une grande admiration. L'Europe ne sera pas en reste, où il expose et vend dans toutes les capitales. Il participe à l’Exposition Universelle de 1937 à Paris, où il siège au comité de sélection des œuvres, et expose cinquante-deux sculptures au Petit Palais dans une salle qui lui est consacrée exclusivement.

Il participe en novembre 1941, à un « voyage d’études en Allemagne avec des peintres et de sculpteurs français acceptant de visiter les hauts lieux de la culture allemande ainsi que des ateliers d’artistes. Ce voyage  qui réunit des personnalités comme André Dunoyer de Segonzac, Paul Landowski, Henri Bouchard, Louis Lejeune, Roland Oudot, Raymond Legueult, Paul Belmondo, mais aussi des artistes de l’avant-garde tels Kees van Dongen, Maurice de Vlaminck, André Derain et Othon Friesz leur fut à tous sévèrement reproché.

Despiau refuse d’avoir des élèves, ayant peu de goût pour l’enseignement. Pourtant, il prodigue des conseils avec bienveillance et enthousiasme à de nombreux artistes. C'est ainsi qu'on retrouve son influence artistique chez Henry Arnold, Robert Wlérick, Léon-Ernest Drivier ou Paul Belmondo. Beaucoup d'autres sculpteurs et peintres, se revendiqueront ses « élèves », comme le suédois Gunnar Nilsson (1904-1995).

Charles Despiau est membre du Comité d'honneur de l'Association du Foyer de l’Abbaye de Royaumont.

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