Galerie des Modernes

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Lucien Coutaud

Surréalisme, Avant-garde, Eroticomagie

(Meynes, 1904 – Paris, 1977)

Fils d’orfèvre provençal, il étudie à l’Ecole des Beaux Arts de Nîmes à partir de 1920, où il eut comme professeur Armand Coussens. Ce dernier, excellent graveur, l’initie probablement aux techniques de l’estampe. Il s’installe à Paris en 1924, où il fréquente les académies libres de Montparnasse. Il y est accueilli par l’écrivain Marc Bernard. Ce jeune Nîmois s’intéresse aussi bien aux Primitifs du Louvre, qu’à Chirico, Max Ernst ou encore Paul Klee. En 1925, il fait la connaissance d’André Fraigneau pour qui il illustre Spectacles, son premier livre publié par Jo Fabre. Il est ensuite reçu à l’Ecole des Arts décoratifs la même année. En 1926, sur les conseils d’André Salmon, il rencontre Charles Dullin qui lui demande de réaliser les décors et les costumes des Oiseaux, la pièce d’Aristophane, adaptée par Bernard Zimmer. C'est pendant cette période  qu’il part, vers la fin de l'année, effectuer son service militaire, d'abord à Saint Cloud, puis à Mayence en Rhénanie.

Le séjour qu’il fait en 1927 sur les bords du Rhin, bien loin de sa Provence natale lui permet de se dégager des principes qui lui ont été enseignés aux Beaux Arts pour adopter un langage pictural personnel, caractérisé par des paysages dans les tons gris–bleus et une luminosité très douce.

En avril 1928, il est de retour à Paris et, en 1929, peint ses premières toiles importantes : La Bicyclette, Femme et soldat, Soldats arrêtant une espionne, Jeune Fille aux trois roues. En 1930, il réalise ses premières gravures, à la pointe sèche sur zinc : Souvenir de Rhénanie, Trois amazones, La Cycliste, Le Matin. Il est alors l'ami de l'écrivain Jean Blanzat.

En 1931, la galerie des Quatre Chemins, à Paris, organise sa première exposition particulière. En 1932, il travaille presque exclusivement à la gouache, peignant de nombreux bouquets de fleurs et de grandes compositions ésotériques. Il réalise également des décors et costumes de théâtre pour Le Château des Papes d'André de Richaud mis en scène par Charles Dullin au Théâtre de l'Atelier et pour Vénus et Adonis d'André Obey mis en scène par Michel Saint-Denis et représenté par la Compagnie des Quinze. Il s’'intéresse aux activités du groupe surréaliste, lit Breton, Soupault, Aragon et bien d’autres; néanmoins il ne s'engage pas aux cotés du groupe car il tient à garder son indépendance.

Jusqu’en 1934, les œuvres de Coutaud représentent surtout des personnages simplifiés aux formes pleines et douces, sa palette utilise fréquemment un bleu laiteux qu’on appellera « le bleu Coutaud ». De 1934 à 1939, il réalise surtout de grandes gouaches et travaille à de grandes compositions décoratives au dessin précis, aux couleurs multiples et joyeuses, dont la composition rappelle fréquemment une scène de théâtre.

Coutaud a assisté aux multiples manifestations des avant-gardes, côtoyant les surréalistes sans adhérer véritablement au groupe, se vouant depuis 1940 à un art qu’il qualifiait lui même de « surréel ». Durant ces années, il affirme son style graphique proche du surréalisme par l’utilisation d’une imagerie insolite où rêves et réalités s’entremêlent.

La période de la Seconde Guerre Mondiale sera une période de grande dépression pour l’artiste, accablé par un dégoût de l’humanité et l’apparition d'un diabète qui le fera souffrir toute sa vie. C’est alors la période sombre, les années tragiques, accentuées par la maladie et l’interrogation sur l’identité. Les personnages représentés dans ses peintures perdent leur chair, réduits à l’état de squelettes, puis morcelés et privés de visages à la manière de mannequins ou de robots, ne conservant de parcelle d’humanité que la marque de leur sexualité. Réformé, il créé des décors, des costumes pour le théâtre, des cartons de tapisserie et renoue avec la gravure.

En 1948, après la mort de son père, Coutaud découvre l’océan breton en se rendant à Belle-Ile-en-Mer puis s’installe près de la Manche en 1952 dans une habitation qu’il nomme « cheval de brique » et qui deviendra, avec sa plage, une de ses principales sources d’inspiration.

Son style figuratif évoluant vers l’abstraction onirique est proche d’un surréalisme aux thématiques et couleurs méridionales : poésie de la tauromachie, dramaturgie de la mort. Ce peintre-poète qui fut l’ami de Jean Blanzat, André Fraigneau, Marc Bernard, Jean-Louis Barrault, Oscar Dominguez, Paul Éluard, Picasso, Jacques Prévert, Boris Vian, Gilbert Lely, Jean Paulhan, Yves Tanguy, Félix Labisse et Jean-Paul Sartre ne cessa de revendiquer son indépendance. Lucien Coutaud a inventé l’Éroticomagie, qui est une peinture centrée sur un monde, sur un individu sans cesse livré à la métamorphose, mais toujours sexué, à l’image de l’impressionnante série des « Taureaumagies » faites de corps entremêlés ou celle des « Personnages-cygnes », et qui se sent poussé à se fondre, sans toujours y parvenir, et au risque de s’y perdre, en une communauté avec autrui. L’Éroticomagie est la fusion charnelle et onirique de l’éros et de la magie, du réel et du rêve, du peintre et de son monde intérieur, du regardant et du regardé.

L’univers du peintre réside en son monde intérieur, dont il livre à travers ses peintures des fragments oniriques qui se complètent au fil du temps. L’artiste peint en effet des sujets variés qui peuplent son imaginaire : « Des personnages, des maisons végétales et minérales, des métamorphoses, de grandes étendues de terre et des fers à repasser ». Il s’approprie ensuite ces sujets et les métamorphosent de manière poétique pour les transposer en une autre réalité. 

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