Galerie des Modernes

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Pierre Girieud

Fauvisme

(Paris, 1876 - Nogent-sur-Marne, 1948)

Né à Paris, mais ayant passé son enfance et son adolescence dans les Alpes de Haute Provence, Pierre Girieud s’établit à Montmartre en 1900. En 1901, Berthe Weill expose ses toiles, élabore les statuts du Salon des Refusés qui deviendra le Salon d’Automne et crée avec Maillol, Launay, Villon, Jourdain, Durrio le Collège d’Esthétique Moderne. Présent en1902 aux Artistes Indépendants, en 1903, à la Galerie Clovis Sagot, en 1904 au Salon d’Automne, il rencontre alors Kandinsky au Groupe Tendances Nouvelles, entraîné à cette époque dans le courant de renaissance classique issu de Gauguin.

En 1905, il présente au Salon des indépendants une de ses œuvres maîtresses : La tentation de Saint Antoine, dont les couleurs firent scandale. La même année, il expose, au salon d'automne, cinq tableaux fauvistes dans la salle n° VII, appelée par dérision «cage aux fauves ». Un article de Vaucxelles dans le Gil Blas du 17 octobre 1905 qualifie cette salle d’«orgie de tons purs ».

En 1907? Kahnweiller lui consacre une exposition particulière. À compter de cette année charnière, Girieud est présent dans toutes les expositions nationales et internationales : Indépendants de Prague, l'exposition londonienne Manet et les Postimpressionnistes, l'exposition d’Art Français de Budapest, II° Post Impressionist Exhibition de Londres, mais aussi galerie Hans Goltz en Allemagne dans le cadre du Neue Kunst, à l'Armory Show de New York, Boston et Chicago et dans multiples salons: le Salon des Indépendants, le Salon d’Automne, le Salon des Tuileries, à la Biennale de Venise.

Grand admirateur de Paul Gauguin dont il a pu voir les œuvres en 1901 grâce à son ami Durrio, céramiste et orfèvre, Girieud peint selon les préceptes nabis. Il peint par larges aplats de peinture, cerne de noir les formes stylisées pour en faire ressortir la quintessence. Il ne copie plus l’existant mais traduit une sensation face au modèle grâce au jeu de la composition et des couleurs. Il utilise des tons entiers et n’hésite pas à employer des couleurs inhabituelles pour augmenter l’effet décoratif. À l'occasion de la rétrospective Gauguin en 1906, il peint le Maître au sein d'une composition inspirée de la Cène dans laquelle Gauguin partage un repas avec ses disciples (une esquisse est dans la collection Atchull et la composition est à Pont Aven). Girieud aime la couleur. Il en étudie l’impact en créant des variations sur un même sujet traité dans des tons différents.

Ami de Kandinsky dès 1904, Girieud est le premier français à adhérer aux principes de la NKV lors de sa création en 1909. Il sert alors de lien entre les artistes parisiens et allemands et apporte sa contribution aux catalogues et expositions. Girieud, adepte des Primitifs et du Fauvisme, nourrit de vigoureuses oppositions inhérentes à sa Provence natale, s’investit dans cette peinture aux contrastes excessifs, aux rapports de couleurs insolites dominés par l’abondance du noir, aux simplifications de formes toujours plus aiguës. Il débouche sur une violence graphique inscrivant le pessimisme du devenir humain.

Lorsqu'il quitte la NKV, Kandinsky maintient ses bons contacts avec Girieud qui fait la liaison entre le Blaue Reiter et Paris. Kandinsky commande à Girieud un article sur les Primitifs siennois et des images d’Épinal pour constituer l’Almanach. Girieud réussit le tour de force de rester fidèle aux deux clans antagonistes : il apporte sa contribution à l’Almanach mais n’expose pas avec le Blaue Reiter, continuant à accrocher ses toiles dans les salles voisines réservées à la NKV. En fait, Girieud approuve totalement la philosophie qui a présidé à la création du Blaue Reiter pour qui l’Art n’a pas de frontières, ni entre les États, ni entre les disciplines. Il s’est déjà battu en 1901 pour cette nouvelle perspective de l’art à laquelle peintres, écrivains et musiciens doivent contribuer.

Au côté de ses amis allemands, il participe aux expositions qui compteront pour l'art moderne : Sonderbund de Cologne, Neue Secession de Berlin. Il sera également présent aux deux premières expositions de la galerie Der Sturm à Berlin.

Ses premières œuvres furent remarquées par de jeunes critiques dévoués aux mouvements les plus audacieux. Toutefois, ainsi que le notait un de ces critiques, André Salmon, dans sa Jeune Peinture française (1912), Girieud laissait paraître tout de suite son ambition. C’est ce qui le porta ensuite, revenu à Marseille en 1911, à suivre les directions données à plusieurs jeunes peintres d’origines méridionales par le poète aixois Joaquim Gasquet qui avait bien connu Cézanne. Gasquet engagea ses amis dans la voie de la grande décoration. C’est dans ce sens que se prolongea la carrière de Pierre Girieud dont on ne vit plus guère de tableaux de chevalet dans les salons.

Son travail prend alors une nouvelle direction  et il exploite des formes et couleurs pleines, synthétisant les concepts classiques et sa perception du monde dans la lumière du monde méditerranéen. A cette époque il occupe avec Alfred Lombard un atelier au 12 Quai de Rive-Neuve sur le Vieux Port de Marseille, atelier qui deviendra quelques années après celui de Jacques Thevenet, puis après guerre celui du peintre marseillais François Diana.

En 1912, il réalise les fresques de la chapelle provençale Saint- Pancrace à Pradines. La même année, il organise à Marseille le Salon de Mai, suivi de celui de 1913. Après avoir réalisé une importante exposition chez Paul Rosenberg, il devient le peintre de la Provence. Néanmoins il voyage en Grèce, en Espagne, en Égypte où il enseigne la fresque, avant de revenir en Provence , dont il chérit la luminosité si particulière, et c’est à nouveau la guerre. En 1941, il obtient, concourant avec dix peintres, la décoration des 350 m2 de fresques de la Mairie d’Ivry. Après la Libération il s’installe à Nantes, expose à Tunis en 1947 et meurt le 26 décembre 1948 à Nogent-sur-Marne.

Pierre Girieud, fut tour à tour symboliste, fauve, expressionniste avant de devenir néoclassique, reste un artiste inclassable. Fortement influencé par certains courants, il ne s’intègre réellement dans aucun d’eux leur apportant à tous une touche personnelle. Louis Vauxcelles rapporte à son propos dans le numéro d’ Excelsior du 29 mai 1919 : « Alors que Flandrin, Marquet, Dufrénoy, Puy, Laprade, Manguin, Friesz devenaient célèbres, Matisse illustre, Pierre Girieud, leur camarade, leur égal, demeure isolé. On ne fut pas juste envers Girieud, et je fais ici mon mea culpa de critique. Sauf Gasquet et Charles Morice qui avaient compris cet artiste, nul n'alla le chercher en sa retraite. Nous étions trop séduits par les délices de Bonnard, et les feux d'artifice des Fauves nous surprenaient. Près d'eux, mais en silence, un être cultivé, méditatif, épris des Siennois et de Gauguin, visait non à l’effet, mais à la cadence, préférait la composition ordonnée au morceau de bravoure. C’était Girieud »

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